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Risques psychosociaux

Comment prévenir la violence au travail ?

Clarisse V.

08/2022
Comment prévenir la violence au travail ?

Définition de la violence au travail

L’ ANI de 2010 définit la violence au travail comme un phénomène qui  : « se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression physique ».

Violences au travail, interne et externe

La violence interne (ou back) et la violence externe (ou front) sont distinguées. Alors que la première vient qualifier le harcèlement et la maltraitance au sein de l’entreprise, la seconde décrit les violences induites par la relation avec un public quel qu’il soit. Elle relève d’agissements hostiles qu’une personne extérieure à une organisation va avoir envers un salarié qui lui délivre un service. Bien que cette dernière ait un caractère imprévisible et qu’elle échappe, pour une part, aux conditions de travail mises en place par la direction, il est possible pour une organisation de la réduire à sa portion congrue.

En effet, l’obligation de résultat quant à la sécurité des collaborateurs concerne également la violence externe. Le droit du travail estime que l’organisation a sa part de responsabilité lorsque les collaborateurs expriment un sentiment d’insécurité. Dépendante de l’interaction ponctuelle, aléatoire et inégalitaire entre deux ou plusieurs individus, la violence externe est un risque inévitable des métiers en contact avec un public. Le comportement du public, variable dans le temps et d’un individu qui le compose à l’autre, est, pour une part, imprévisible et par conséquent irréductible.

Un facteur exposant : la relation avec le public

Toujours présent, le risque de violence s’amplifie quand la relation au public s’avère globalement conflictuelle. Si les relations entre l’organisation et ses usagers se dégradent progressivement, elles peuvent devenir le terreau d’actes plus violents. Si la violence se banalise, le rapport intersubjectif a du mal à exister et le sentiment d’inconfort, d’inquiétude, si ce n’est d’insécurité peut s’installer.

Dans le secteur tertiaire, le comportement des usagers vis-à-vis du personnel est un aspect fondamental des conditions de travail. C’est pour cela qu’il est souhaitable de réfléchir aux façons de limiter la fréquence et l’ampleur des interactions violentes dont le scope peut aller d’une violence qualifiée d’ordinaire (l’absence de politesse, moue dubitative…) à l’agression verbale, à la dégradation matérielle et parfois, mais rarement, jusqu’à l’agression physique.

Les facteurs organisationnels de la violence au travail

Certains facteurs endogènes et organisationnels favorisent l’émergence d’un contexte de violence et, a contrario, l’amenuisement du sentiment de sécurité (Violence externe au travail, Marc-Eric Bobillier-Chaumon[1]) :

- Lorsque « l’agression résulte de la frustration et de l’irritation accumulée du client/usager quand il a le sentiment que sa situation ou sa demande ne fait pas l’objet d’une attention suffisante et/ou d’un traitement adéquat, voire équitable de la part du salarié ». Alors même que ce n’est pas le salarié qui est responsable de ce sentiment, c’est pourtant lui qui portera le poids du mécontentement. Cette violence externe est d’autant plus problématique, qu’il est difficile pour les collaborateurs de réguler la relation, de fuir le public, d’apaiser les tensions. Le caractère extrêmement ponctuel et utilitaire de la relation induit un surgissement brutal de la violence.

-  Lorsque le salarié n’arrive plus à contrôler ses émotions et à réguler l’intersubjectivité.  En effet les métiers de services limitent et orchestrent par eux-mêmes la gamme des comportements et des manières de travailler admissibles, en particulier en ce qui concerne l’expression des émotions. Si le salarié n’arrive plus à faire face à la demande du client et aux exigences émotionnelles qu’impliquent son métier, il crée lui-même un climat d’agressivité.

Réguler la relation entre l’usager et le collaborateur reste une tâche délicate. D’une part, la relation est asymétrique car le client se sent roi et s’attend à un service ; ce qu’il exprime parfois violemment. A l’inverse, si le client se sent menacé, pris en faute, il peut alors faire preuve de résistance. D’autre part, ela relation est toujours à cheval entre l’intersubjectivité et le professionnalisme, équilibre parfois difficile à trouver dans un laps de temps très court.  Par conséquent, bien qu’il soit difficile d’installer un sentiment de sécurité globale, il est possible de mettre en place certaines conditions de travail permettant aux salariés de mieux prendre en charge les usagers et leurs besoins.

La violence externe peut aussi faire l'objet d'analyses plus spécifiques selon les circonstances : si l’on travaille seul ou en groupe, en fonction des plages horaires et des jours de la semaine, des localisations géographiques, du port d'une tenue (uniforme ou non), du poste, du sexe du collaborateur…

La prévention de la violence au travail

L’organisation peut agir à la fois sur la prévention, mais également sur la prise en charge de situations se révélant traumatiques :

-        Dans le cadre de la prévention, l'entreprise peut s’appuyer sur trois leviers principaux :

o  La formations des salariés (comment exercer son droit de retrait, que faire face à une personne violente, gestion des conflits).

o  Repenser la relation au public, à mi-chemin entre l'écoute du client et la standardisation. Cella permet de redonner une place à l’intersubjectivité et au client de se sentir écouter. Il est par exemple possible d’adapter le rythme de travail à une prise en charge moins normalisée de la relation au client.

o  Insister régulièrement sur le rôle du collectif : les salariés doivent savoir qu’ils peuvent compter sur leurs collègues en cas d’agression mais également pour débattre autour de leurs ressentis.

-       Dans le cas de la prise en charge de situations traumatiques, l'entreprise peut mettre en place un suivi de l’agression, tant par le médecin du travail que par l’entreprise.


[1] Marc-EricBobillier-Chaumont, « Violence externe au travail », in Psychologie du Travail et des Organisations : 110 notions clés (2019), p. 452 –456.

Clarisse V.

08/2022